Des outils pour aménager des espaces publics durables, fertiles et bioclimatiques
Extrait du dossier consacré à l'économie circulaire des matériaux dans le CEP44. Frédérique MÉTIVIER-LOPEZ, Urbaniste OPQU – Consultante Territoires, Aménagement & Mobilités et Delphine ROLLET, Consultante Déchets & Économie Circulaire chez Inddigo nous présentent quelques outils disponibles en particulier un outil développé par l’agence française de la transition écologique à destination des collectivités en charge de l’aménagement.
L’économie circulaire propose un nouveau modèle applicable à l’aménagement du territoire et en particulier des espaces publics. Des outils existent, en faveur de projets d’urbanisme attractifs plus respectueux des matières premières et des ressources naturelles, comme l’eau, l’air, l’énergie ou le sol. Focus sur un outil développé par l’agence française de la transition écologique à destination des collectivités en charge de l’aménagement.
Pour répondre aux défis de la préservation de l’environnement, de la place de la nature en ville, de l’efficience économique et du bien-être des usagers, il est fondamental de questionner le processus de mise en œuvre des projets urbains et leur cycle de vie dès leur conception.
Optimiser les ressources
Les matériaux du secteur BTP sont le premier flux en circulation dans nos territoires. Pendant de nombreuses décennies, le béton et les enrobés ont dominé les choix d’aménagement. Désormais, il est possible de construire ou réaménager des espaces publics circulaires en commençant par une réévaluation des besoins pour un dimensionnement adapté des voiries lourdes, et en faisant le choix de matériaux bas carbone, issus du réemploi, biosourcés ou géosourcés.
L’approvisionnement en flux alimentaires peut être réinterrogé pour plus de proximité avec les usagers : un espace public peut tout à fait s’affirmer comme un lieu d’échanges entre producteurs locaux et consommateurs, voire devenir un espace productif à part entière.
Les sols, qui constituent une ressource contrainte et précieuse, font aussi l’objet de réflexions nouvelles, visant à optimiser l’usage du foncier pour réduire notre empreinte sur les terres agricoles et naturelles.
Ces sols doivent, par ailleurs, être appréhendés comme le support des réseaux et des services de mobilités durables, un lieu-support de la production énergétique et d’une nouvelle gestion des déchets qui, grâce à l’économie circulaire, deviendront des ressources.
Des outils pour passer à l’opérationnel
De nombreux guides existent pour accompagner les territoires dans leur démarche d’aménagement circulaire. En France, l’agence de la transition écologique - l’ADEME - travaille activement depuis 2015 pour mobiliser les outils de l’économie circulaire dans l’aménagement des territoires.
Le site ExpeUrba pour « Expérimentations urbaines » accessible à l’adresse http://www.experimentationsurbaines.ademe.fr/ héberge toutes les informations sur l'économie circulaire appliquée aux projets urbains et territoriaux : retours d’expérience, actualités, publications et travaux.
L’un de ces outils s’adresse spécifiquement aux aménageurs des espaces publics : EcoCircUrba
EcoCircUrba (ECU) est une plateforme collaborative gratuite et accessible en ligne sur www.open4ec.fr. Elle aide les collectivités à intégrer l'économie circulaire à tous les stades des projets d’aménagement de l'espace public : en phases d’avant-projet, de chantier et de vie du site.
La plateforme fait office de guide opérationnel pour orienter le projet d’aménagement. Elle a été conçue de manière à proposer un questionnement, à chaque étape du projet, visant la durabilité et centré sur les usages et usagers et non pas sur les produits.
Tout d’abord, elle propose un accompagnement à la rédaction d’un cahier d’intention préalable à la formalisation du cahier des charges. Ce livrable, téléchargeable sur le site, permet aux aménageurs de transmettre leurs convictions et leurs intentions d’économie circulaire aux intervenants du projet. Il s’intéresse à la présentation du projet, la gouvernance, la concertation, l’état des lieux, le montage de marchés publics responsables et pour chaque enjeu (eau, énergie, biodiversité, alimentation, sol, interactions sociales, numérique, etc.), il amène les porteurs de projets à se poser les bonnes questions pour structurer le projet circulaire.
Déployé en mode collaboratif, chaque utilisateur peut partager de façon géolocalisée son expérience ou s’inspirer de projets innovants. Des fiches « Retours d’expériences », « Matériaux et Process » et « Concertation », complètent une bibliothèque de ressources riche.
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Transformer les déchets en ressources : le cas des matériaux inertes
En Europe, la production de matériaux/déchets issus du secteur BTP représente 798 Mt/an[1]. Les travaux d’aménagements urbains comme les travaux de voiries, terrassement et réseaux produisent essentiellement des matériaux ou déchets dit « inertes ». Ce sont des terres, des graves[2], du béton et des enrobés. L’appropriation des enjeux de la gestion des déblais en amont des projets est essentielle pour une organisation optimale du chantier dans une démarche d’économie circulaire. Il est nécessaire de considérer aussi bien les problématiques de ressources pour optimiser l’utilisation de matériaux issus de carrières, que la limitation des transports pendant le chantier et surtout les prescriptions à mettre en œuvre en vue de développer une ville durable, fertile et bioclimatique.
Ainsi, il est préconisé d’anticiper très en amont :
- un diagnostic complet pour évaluer d’un côté les excédents de chantier et de l’autre les besoins en remblais ;
- une caractérisation des futurs déblais afin de les orienter de manière la plus appropriée ;
- la faisabilité d’une plateforme de valorisation des terres in-situ, en fonction de leurs caractéristiques chimiques ou géotechniques et de définir leur process de traitement ;
- une réflexion pour transformer les terres inertes issues des chantiers en terres fertiles afin de développer la nature en ville ;
- une évaluation des impacts des mouvements de terres pour une gestion intelligente de la fertilité des sols ;
- un travail administratif dans le cas d’apports de matériaux de différents maîtres d’ouvrage, ou pour établir la traçabilité entre les différents déchets de chantier ;
- les procédures réglementaires pour accéder, si nécessaire, à la sortie du statut de déchets.
©Inddigo
[1] Chiffre Eurostat 2020 [2] Graves : On appelle grave un sol dit propre, constitué de grosses particules mais sans argiles (en gros des cailloux et pierres)
Des opportunités multiples
Nous avons parlé ici des terres et autres déchets inertes mais nous pourrions également nous intéresser à d’autres sujets comme le mobilier urbain. L’espace public est un espace d’opportunités pour le développement de mobilier issu du réemploi, comme les bancs, les corbeilles de rues ou les boîtes à livres. Cette réflexion, dans une logique circulaire, est large et multisectorielle car elle se mène sur tous les enjeux de l’aménagement des espaces publics.
Pour guider les projets en phase amont et opérationnel, des outils sont à disposition des acteurs de l’aménagement. Par l’inspiration et l’expérimentation, ils permettent aux aménageurs de renouveler leurs pratiques et de challenger les concepteurs.
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