Laurent Perbos, artiste plasticien, qui ne s'interdit aucun support. J’utilise des objets du quotidien comme matériau pour créer des formes ; celles-ci véhiculent ensuite leur propre histoire. Formé à l'École des Beaux-Arts de Bordeaux, je suis aujourd'hui installé à Marseille et je travaille principalement entre la cité phocéenne et Paris. J’ai eu la chance d'exposer dans de nombreuses villes à l'étranger et notamment en Belgique, dans la Yoko Uhoda Gallery de Liège.
De quelle manière entrez-vous en contact avec l'espace public dans vos activités professionnelles quotidiennes ?
Au départ, c'est toujours l'idée d’une nouvelle configuration de l'espace qui motive l'installation. Ensuite, il faut chercher un lieu pour concrétiser cette idée, que ce soit une galerie ou un espace public. Prenons l’exemple des terrains de tennis: j’ai déplacé cet objet - le terrain de tennis - de son lieu initial - le complexe sportif - vers un espace inadapté ou différent afin que la rencontre de cet objet avec ce lieu crée un court-circuit dans la perception du public.
Quels sont les espaces publics de votre enfance que vous chérissez le plus ? Avez-vous joué dans la rue quand vous étiez enfant ?
J'aime cette question car elle est rare. Peut-être que le fait de jouer dans la rue pendant mon enfance a t-il influencé mon travail d’artiste et cette envie d’investir les espaces publics. J'ai grandi dans un environnement urbain, dans des logements denses de type HLM. Les rendez-vous se faisaient alors à l'extérieur, dans les espaces verts ou dans la rue. Indéniablement, nous étions attirés par des espaces qui soient libres et polyvalents, permettant de faire du sport ou des jeux collectifs.
Quel endroit vous a déjà ému ou surpris ? Pourquoi ?
Je me suis rendu une fois à Knokke, sur la côte de la Manche, que vous appelez la mer, je crois... C’est un endroit surprenant. La couleur de l’eau et celle du ciel se mêlent à l’horizon pour ne former qu’un seul ensemble. Les deux éléments ne sont plus dissociables et créent un voile sur un tableau. À cela s’ajoute une grande étendue de sable à marée basse. C’est un lieu assez impressionnant.
Quel espace public en France nos lecteurs devraient-ils absolument visiter ? Pourquoi ?
Lorsque vous dites “espace public”, je pense immédiatement à des lieux urbains, artificiels. Et si je devais conseiller de visiter des lieux publics, ce serait sans aucun doute des espaces naturels. Il existe en France une incroyable pluralité de territoires et passer, par exemple, de la côte Ouest à la côte Est est une expérience surprenante. La côte Atlantique est sauvage, faite de dunes et d’une flore caractéristique, en raison de l'humidité et des vents marins. En quelques heures, on bascule vers la côte méditerranéenne, très sèche, avec une eau tranquille et limpide. Je ne pourrais pas choisir entre les deux.
Quelle est, selon vous, la ville étrangère qui mérite absolument d'être visitée ? Pourquoi ?
Il y a quelque temps, j’ai eu l’occasion, durant la même année, de voyager à Paris, à New York et dans quelques mégalopoles d’Asie. Il a été flagrant de constater que chacune de ces villes appartient à une époque qui la caractérise. Par exemple, Paris est la ville du 19e siècle par excellence, New York nous plonge directement dans le siècle dernier tandis que Shanghai tout comme Séoul ou Tokyo sont des villes du 21e siècle qui, pour nous Occidentaux, ont l’aspect des villes du futur. J’affectionne particulièrement Shanghai, qui, malgré sa taille, a réussi à conserver une échelle humaine plus attrayante où l’humain est encore présent. J’aime me perdre dans le tissu de cette ville.
Selon vous, qui mérite un prix pour son engagement en faveur d'espaces publics de qualité ?
Pour ma part, je ne pense pas avoir les compétences pour désigner un lauréat. Cependant, je souhaiterai mettre en avant, il ne s’agit pas là de récompenser, la pratique d’acteurs privés qui s’investissent. Dans une ville comme Shanghai, il existe beaucoup de grands espaces commerciaux, dans lesquels se distinguent des espaces dédiés à l’art. C'est une approche différente de celle qui existe en Europe car ici, l’art dans l’espace public est souvent limité par de nombreuses normes et l’espace privé est encore frileux vis-à-vis de projets monumentaux.
Quelle évolution ou tendance fera l'objet de votre attention particulière dans les années à venir ?
En France, beaucoup d’artistes considèrent que travailler avec le privé est un risque. Pour moi, au contraire, il s’agit de nouveaux espaces à interroger tant que la liberté de création y est préservée. Cependant, cette démarche peut aller à l’encontre de préoccupations sociétales actuelles. Est-il toujours cohérent de produire des œuvres éphémères et/ou monumentales alors que la question de limiter sa propre consommation est posée à chacun ? Pourrons-nous encore faire voyager des œuvres à l’autre bout du monde alors que les nouvelles technologies nous permettent de les voir depuis n’importe quel endroit ? Ces questionnements sont déjà présents dans le quotidien et ils ont nécessairement une influence sur ma pratique !
En savoir plus : https://www.documentsdartistes.org/artistes/perbos/repro.html
Comments