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Caroline Rondelle

L’interview : sept questions à Laurent Perbos

Laurent  Perbos,  artiste  plasticien,  qui  ne  s'interdit  aucun  support.  J’utilise  des  objets  du quotidien  comme  matériau  pour  créer  des  formes ;  celles-ci  véhiculent  ensuite  leur  propre histoire.  Formé  à  l'École  des  Beaux-Arts  de  Bordeaux,  je  suis  aujourd'hui  installé  à  Marseille et  je  travaille  principalement  entre  la  cité  phocéenne  et  Paris.  J’ai  eu  la  chance  d'exposer dans de  nombreuses  villes  à  l'étranger  et  notamment  en  Belgique,  dans  la  Yoko  Uhoda Gallery  de  Liège.



De quelle manière entrez-vous en contact avec l'espace public dans vos activités professionnelles quotidiennes ?

Au  départ,  c'est  toujours  l'idée  d’une  nouvelle  configuration  de  l'espace  qui  motive l'installation.  Ensuite,  il  faut  chercher  un  lieu  pour  concrétiser  cette  idée,  que  ce  soit  une  galerie  ou  un  espace  public.  Prenons  l’exemple  des  terrains  de  tennis:  j’ai  déplacé  cet  objet  - le  terrain  de  tennis  -    de  son  lieu  initial  -  le  complexe  sportif  -  vers  un  espace  inadapté  ou différent  afin  que  la  rencontre  de  cet  objet  avec  ce  lieu  crée  un  court-circuit  dans  la perception  du  public.


Quels sont les espaces publics de votre enfance que vous chérissez le plus ? Avez-vous joué dans la rue quand vous étiez enfant ?

J'aime  cette  question  car  elle  est  rare.  Peut-être  que  le  fait  de  jouer  dans  la  rue  pendant  mon enfance  a t-il influencé  mon  travail  d’artiste  et  cette  envie  d’investir  les  espaces  publics.  J'ai grandi  dans  un  environnement  urbain,  dans  des  logements  denses  de  type  HLM.  Les rendez-vous  se  faisaient  alors  à  l'extérieur,  dans  les  espaces  verts  ou  dans  la  rue. Indéniablement,  nous  étions  attirés  par  des  espaces  qui  soient  libres  et  polyvalents, permettant  de  faire  du  sport  ou  des  jeux  collectifs.


Quel endroit vous a déjà ému ou surpris ? Pourquoi ?

Je me suis rendu une fois à Knokke, sur la côte de la Manche, que vous appelez la mer, je crois... C’est un endroit surprenant. La couleur de l’eau et celle du ciel se mêlent à l’horizon pour ne former qu’un seul ensemble. Les deux éléments ne sont plus dissociables et créent un voile sur un tableau. À cela s’ajoute une grande étendue de sable à marée basse. C’est un lieu assez impressionnant.


Quel espace public en France nos lecteurs devraient-ils absolument visiter ? Pourquoi ?

Lorsque  vous  dites  “espace  public”,  je  pense  immédiatement  à  des  lieux  urbains,  artificiels. Et  si  je  devais  conseiller  de  visiter  des  lieux  publics,  ce  serait  sans  aucun  doute  des  espaces naturels.  Il  existe  en  France  une  incroyable  pluralité  de  territoires  et  passer,  par  exemple,  de la  côte  Ouest  à  la  côte  Est  est  une  expérience  surprenante.  La  côte  Atlantique  est  sauvage, faite  de  dunes  et  d’une  flore  caractéristique,  en  raison  de  l'humidité  et  des  vents  marins.  En quelques  heures,  on  bascule  vers  la  côte  méditerranéenne,  très  sèche,  avec  une  eau tranquille  et  limpide.  Je  ne  pourrais  pas  choisir  entre  les  deux.


Quelle est, selon vous, la ville étrangère qui mérite absolument d'être visitée ? Pourquoi ?

Il  y  a  quelque  temps,  j’ai  eu  l’occasion,  durant  la  même  année,  de  voyager  à  Paris,  à  New York  et  dans  quelques  mégalopoles  d’Asie.  Il  a  été  flagrant  de  constater  que  chacune  de  ces villes  appartient  à  une  époque  qui  la  caractérise.  Par  exemple,  Paris  est  la  ville  du  19e siècle  par  excellence,  New  York  nous  plonge  directement  dans  le  siècle  dernier  tandis  que Shanghai  tout  comme  Séoul  ou  Tokyo  sont  des  villes  du  21e  siècle  qui,  pour  nous Occidentaux,  ont  l’aspect  des  villes  du  futur.  J’affectionne  particulièrement  Shanghai,  qui, malgré  sa  taille,  a  réussi  à  conserver  une  échelle  humaine  plus  attrayante  où  l’humain  est encore  présent.  J’aime  me  perdre  dans  le  tissu  de  cette  ville.


Selon vous, qui mérite un prix pour son engagement en faveur d'espaces publics de qualité ?

Pour  ma  part,  je  ne  pense  pas  avoir  les  compétences  pour  désigner  un  lauréat.  Cependant, je  souhaiterai  mettre  en  avant,  il  ne  s’agit  pas  là  de  récompenser,  la  pratique  d’acteurs privés  qui  s’investissent.  Dans  une  ville  comme  Shanghai,  il  existe  beaucoup  de  grands espaces  commerciaux,  dans  lesquels  se  distinguent  des  espaces  dédiés  à  l’art.  C'est  une approche  différente  de  celle  qui  existe  en  Europe  car  ici,  l’art  dans  l’espace  public  est souvent  limité  par  de  nombreuses  normes  et  l’espace  privé  est  encore  frileux  vis-à-vis  de  projets monumentaux.


Quelle évolution ou tendance fera l'objet de votre attention particulière dans les années à venir ?

En  France,  beaucoup  d’artistes  considèrent  que  travailler  avec  le  privé  est  un  risque.  Pour moi,  au  contraire,  il  s’agit  de  nouveaux  espaces  à  interroger  tant  que  la  liberté  de  création  y est  préservée.  Cependant,  cette  démarche  peut  aller  à  l’encontre  de  préoccupations sociétales  actuelles.  Est-il  toujours  cohérent  de  produire  des  œuvres  éphémères  et/ou monumentales  alors  que  la  question  de  limiter  sa  propre  consommation  est  posée  à  chacun ?  Pourrons-nous  encore  faire  voyager  des  œuvres  à  l’autre  bout  du  monde  alors  que  les nouvelles  technologies  nous  permettent  de  les  voir  depuis  n’importe  quel  endroit  ?  Ces questionnements  sont  déjà  présents  dans  le  quotidien  et  ils  ont  nécessairement  une influence  sur  ma  pratique  !


©Uhoda

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