Sanne de Rooij – Coordinateur de la communication De Oorzaak
Quel est l'impact du bruit ambiant sur notre santé ? Cette question de recherche est au cœur de De Oorzaak, la plus grande enquête citoyenne sur le bruit. Des milliers de participants contribueront jusqu'en avril 2025 à la mise en place d’un vaste un réseau intelligent de mesure du bruit. L'intelligence artificielle, l'Internet des objets et la connaissance de la perception personnelle du bruit par les citoyens permettront de valider et d'améliorer les outils de modélisation du bruit actuels de nos villes.
Le bruit est omniprésent
Nous ne nous en rendons pas toujours compte, mais le bruit est omniprésent. Du sifflement des oiseaux au rugissement des avions de chasse, du bruissement des arbres au passage d'une voiture. Ce bruit qui nous entoure, nous l’appelons le bruit ambiant. Il a un impact significatif sur notre bien-être et notre qualité de vie. Un environnement acoustique agréable contribue en effet à la relaxation, à la concentration et à l'interaction sociale. En revanche, un bruit excessif, intense ou simplement dérangeant peut avoir des effets négatifs sur notre santé. Un rapport de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) mentionne notamment le stress et des troubles du sommeil.
Malgré son impact majeur sur notre quotidien, nous ignorons encore beaucoup de choses sur le bruit. Par exemple, nos connaissances actuelles sur les niveaux de bruit à différents endroits - tels que ceux causés par le trafic ferroviaire ou aérien - sont principalement basées sur des modèles informatiques et peu de données de mesure sont disponibles. Or le bruit ne se résume pas à des données concrètes : il comporte également une composante subjective, puisque ce qui perturbe la concentration d'une personne peut passer totalement inaperçu pour une autre.
C'est là qu'intervient l’enquête citoyenne De Oorzaak. Ou disons plutôt qu’elle tend l'oreille. L'Université d'Anvers, l'Hôpital universitaire d'Anvers et le quotidien De Morgen, en tant que partenaire média, ont uni leurs forces pour inscrire le bruit ambiant au calendrier social. Grâce à des questionnaires distribués à grande échelle, à une étude sur le sommeil et l'audition menée auprès de 100 Anversois et à des capteurs sonores intelligents installés sur les façades de 1 800 maisons à Anvers, Gand et Louvain, un lien a pu être établi entre les données de mesure objectives et la perception subjective des habitants en matière de bruit. Et ce sont ces derniers, les citoyens scientifiques, qui jouent un rôle crucial dans la collecte des données de cette étude à grande échelle.La science citoyenne est une voie à double sens
Un scientifique n'a que deux mains. La science citoyenne permet dès lors aux chercheurs de collecter de vastes ensembles de données avec une large couverture géographique, et donc de s'attaquer à des questions scientifiques complexes. Mais la science citoyenne est aussi une voie à double sens. Puisqu’elle procède aux enquêtes littéralement chez les habitants et personnalise les résultats, les citoyens obtiennent des informations précieuses sur leur propre cadre de vie. Il s'agit certes d'une entreprise à ne pas sous-estimer, mais elle permet d'aborder des sujets importants tels que le bruit ambiant.
Le bruit n’est pas qu’une question de décibels mesurables Le projet De Oorzaak a été lancé en novembre 2023 avec la Grote Geluidsbevraging, ou grande enquête du bruit en français : une tentative ambitieuse de comprendre la perception du bruit sous tous ses aspects, dans toute la Flandre. Quels sont les bruits que nous entendons au quotidien ? Où percevons-nous encore le silence ? Près de 10 000 Flamands ont répondu à l'appel, lancé à grande échelle par le quotidien De Morgen.
Parce que le son n'est pas seulement une question de décibels mesurables, mais qu'il dépend aussi fortement de la perception personnelle de chacun, la Grote Geluidsbevraging s’est intéressée à la perception du bruit. Il en ressort que pas moins de 79 % des participants sont gênés par le bruit ambiant, le plus grand coupable étant le bruit de la circulation : près de 49 % des participants sont modérément ou fortement gênés par la circulation routière, tandis que 7,6 % seulement se disent gênés par le bruit des trains et 1,6 % par le trafic aérien*.
Le contraste entre les nuisances sonores dues au trafic routier et celles dues aux avions est frappant. Alors que les médias et la classe politique se concentrent souvent sur le trafic aérien en matière de pollution sonore, beaucoup plus de personnes en Flandre indiquent souffrir de manière chronique du bruit de la circulation, causé, entre autres, par le développement de l’urbanisation en ruban. Il semble que ce problème ne soit pas suffisamment étudié, malgré ses effets néfastes sur la santé, tels qu'une augmentation du stress et un risque accru de maladies cardiovasculaires. Dans une section de recherche distincte de De Oorzaak, l'hôpital universitaire d'Anvers étudie dès lors le lien entre le bruit ambiant et la qualité du sommeil, l'audition et le niveau de stress d'une centaine d'Anversois. La sensibilité personnelle au bruit jouant un rôle majeur dans la perception de la gêne occasionnée par celui-ci, cette partie de l’enquête étudie l'impact effectif d'une sensibilité élevée au bruit sur la qualité du sommeil.
Des capteurs de bruit intelligents
Si la Grote Geluidsbevraging constitue le cœur de cette étude, les mesures effectuées à l'aide de capteurs de bruit intelligents en sont l’épine dorsale. En effet, depuis mai 2024, des centaines de capteurs sonores de l'entreprise néerlandaise Munisense parcourent les villes d’Anvers, Gand et Louvain afin cartographier le bruit ambiant depuis les façades de citoyens scientifiques. Toutes les huit semaines, les capteurs sont déplacés.
Ces capteurs sont un exemple marquant de technologie innovante grâce à leur module d'intelligence artificielle intégré. Celui-ci permet au capteur d'identifier la source du bruit - un bus ou un tram, par exemple - et de résumer les principales caractéristiques du son identifié (volume, fréquence, durée, entre autres). Le tout est ensuite envoyé via le réseau Internet des Objets d'Orange Belgique à la base de données des chercheurs de l'Université d'Anvers.
Les participants peuvent accéder à leurs propres mesures via un tableau de bord en ligne et suivre ainsi en direct la situation sonore au niveau de leur façade. Le grand public peut quant à lui suivre les mesures via une carte en ligne accessible sur le site de De Morgen.
Un seul capteur peut générer jusqu'à 10 giga-octets de données en un mois. Les scientifiques de l'Université d'Anvers utilisent des modèles de ‘machine learning’ avancés pour naviguer dans ces énormes quantités de données. Nous cartographions ainsi le paysage sonore - également appelé « Soundscape » - de nos villes et pouvons le comparer avec la perception sonore personnelle telle qu’elle ressort de la Grote Geluidsbevraging.
"Souvent, le focus est fait sur les nuisance du trafic aérien, hors beaucoup plus de personnes souffrent de la circulation automobile."
Des premiers résultats frappants
Les mesures effectuées à l’aide des capteurs de bruit se poursuivront jusqu'en avril 2025, mais une analyse de la première période de mesure en mai et juin 2024 a déjà fourni des informations initiales intéressantes. 231 citoyens scientifiques d'Anvers, de Gand et de Louvain ont cartographié le bruit ambiant de leurs rues. Malgré les différences de taille et de densité de population, les trois villes se sont révélées étonnamment aussi bruyantes l'une que l'autre.
La circulation apparaît également comme la principale source de bruit dans les mesures. Au point le plus bruyant d'Anvers, au niveau de la rue Minister Delbekelaan à Merksem, une moyenne de 75,1 décibels a été enregistrée, ce qui est bien supérieur aux valeurs jugées acceptables par l'Organisation mondiale de la santé. Le carrefour situé à proximité est traversé par une ligne de tram et constitue une voie de desserte pour les voitures et les camions. Avec 67,1 dB mesurés la nuit, il était également trop bruyant selon les normes en vigueur**.
Résultats finaux
L'exemple ci-dessus est un cas extrême, mais il montre clairement qu'il y a encore des défis à relever en matière bruit ambiant. C'est également ce qui ressort des nombreux courriels de citoyens envoyés dans le cadre de l’enquête De Oorzaak au cours de l'année écoulée. Afin que les conclusions de l'enquête ne tombent pas dans l'oreille d'un sourd en juin 2025, les différentes villes et les institutions gouvernementales flamandes, telles que le Département Environnement, le Département Soins et la société de transport De Lijn, ont été dès le départ associées à l'enquête en tant que partenaires. Avec eux et les milliers de citoyens participants, nous avons fait du bruit ambiant un pilier majeur de notre qualité de vie.
Pour de plus amples informations :
* Ces chiffres ne peuvent pas être généralisés à l'ensemble de la Flandre : les participants sont plus motivés à remplir le questionnaire s'ils subissent une pollution sonore. L'échantillon est donc moins représentatif.
** Les mesures effectuées à l'aide des capteurs de bruit sont très indicatives, mais ne peuvent pas confèrent aucun droit. Les capteurs de bruit intelligents sont munis de microphones de classe 2, contrairement aux appareils de mesure du gouvernement et des agences acoustiques, équipés d'un microphone de classe 1. Les incertitudes de mesure telles que la méthode de placement, les conditions météorologiques, etc. n'ont pas encore été éliminées des calculs.
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