Suède 36 a récemment mis en œuvre un projet d’espace public qui change durablement l’image du centre de Saint-Hubert. La Maison de l'Urbanité a interrogé Christophe Mercier pour comprendre comment s’est dessiné le nouveau visage de la capitale de la chasse et de la nature. Pour les projets d'espaces publics, comme pour les études d'urbanisme, son bureau met systématiquement en place des processus de concertation citoyenne.
Comment est né ce projet ?
La commune de Saint-Hubert a entrepris ces travaux entre 2017 et 2019 dans le cadre d'une opération de rénovation urbaine. Cette opération vise à restructurer et à réhabiliter le centre urbain de manière à promouvoir sa fonction commerciale et culturelle dans le respect de ses caractéristiques patrimoniales. Le projet proposé prend également en compte le rôle touristique important de la commune tout en maintenant et en favorisant les besoins de la population locale.
Une subvention de « rénovation urbaine » a été accordée par la Wallonie à la commune de Saint-Hubert pour la prise en charge d’une partie du budget de la réhabilitation du centre-ville.
Pour ce projet, nous avons eu une mission complète d’auteur de projet en association momentanée avec Tractebel Engie. Cette mission comprenait l’étude d’urbanisme, le masterplan, une étude de mobilité ainsi qu’un processus de participation citoyenne.
Plan général du réaménagement des espaces publics sur l’axe « Cerf crucifère – Hôtel de ville » © Suède36.
Votre bureau s’appuie fréquemment sur un processus de participation citoyenne. Quels outils avez-vous mis en place pour ce projet ?
Nous évitons souvent d’utiliser le terme ‘participation’, car il prête souvent à confusion. Il s’agit pour nous d’instaurer un dialogue constructif non seulement avec les usagers d’un projet, mais aussi avec l’ensemble des responsables de sa conception et de sa gestion future. Ces processus sont importants dans notre travail, que ce soit pour nourrir un diagnostic, nourrir un projet, alimenter notre créativité ou pour vérifier la pertinence des options prises.
Le projet développé pour Saint-Hubert s’appuie sur une méthodologie novatrice pour la ville, qui a fait l’objet d’une vaste concertation. À côté du travail traditionnel de compilation d’études existantes, de relevés, d’observations, de création d’esquisses, etc., nous avons mis en place plusieurs processus de participation citoyenne. Nous avons réalisé une enquête à laquelle ont répondu quatre-vingts citoyens, une marche exploratoire avec un panel d’usagers, des interviews, une permanence qui a accueilli quatre cents visites, ce processus s’est clôturé par deux jours d’exposition-interactive qui présentait l’esquisse et où nous récoltions les avis des usagers.
Ce processus de dialogue a permis d’approcher au plus près la réalité du terrain dans toute sa complexité et d’enrichir le projet par les multiples expertises d’usagers.
Les aménagements concernent le centre de Saint-Hubert. Quelles en sont les lignes directrices ?
En affichant son titre de « capitale de la chasse et de la nature », Saint-Hubert se positionne comme un pôle régional important. Si la mission concernée se limite géographiquement à la voirie centrale de la ville, Suède 36 a considéré le contexte élargi sous forme d’un masterplan avant de développer le projet. Travailler l’espace public, c’est travailler sur l’image d’une ville dont l’ensemble de ces éléments font aussi partie.
Le masterplan du centre-ville a permis de tracer quelques lignes directrices qui ont fait consensus auprès de l’ensemble des acteurs du projet : remettre le patrimoine en valeur, donner à Saint-Hubert une identité qui correspond à son titre de « capitale de la nature et de la chasse », soutenir le développement du commerce, du tourisme et de l’activité économique. Et enfin, rendre l’axe central de Saint-Hubert plus attractif, convivial, confortable et sécurisé pour les habitants, les usagers et les touristes.
La surface d’intervention du projet concerne environ 7 000 m2 comprenant la rénovation de la rue principale, épine dorsale du projet. Cette ancienne nationale a ainsi été déclassée pour devenir une voirie locale partagée et en sens unique où piétons, cyclistes et conducteurs font bon ménage. En déviant le trafic de transit, qui était intense, bruyant et polluant, nous avons changé le statut de la route et ainsi permis l’aménagement d’espaces publics de qualité et agréable pour les visiteurs comme pour les habitants. La mobilité douce a guidé l’aménagement de la voirie qui laisse un large espace dédié aux vélos, trottoirs et terrasses. Il se présente comme un parcours sinueux pour décourager la vitesse, limitée désormais à 30km/h.
Cette voirie s’articule autour de trois places ayant chacune une identité propre : la place de l'Abbaye, la place de la Libération et une nouvelle place du Marché créée autour de la Fontaine Redouté. La présence végétale est également un élément important dans le projet.
L’aménagement autour de la célèbre fontaine Louis Redouté, dessinateur des roses à la cour de France. © Suède36.
Place de la libération : la forêt et la rose sont deux thèmes récurrents dans l’aménagement des espaces verts du centre ©Suède36.
En effet, la présence végétale est récurrente dans le projet. Comment se traduit-elle dans les aménagements ?
La végétation est omniprésente dans le projet avec deux thèmes : la forêt et la rose. Sur la place de la Libération, un groupe d’arbres (marronniers, chênes écarlates, noisetiers) et des buissons denses rappellent la forêt proche. En montant vers la maison communale, on rencontre des essences rustiques appartenant au monde des champs.
La pelouse du Palais Abbatial est aménagée en terrasses, plantées de massifs de rosiers blancs et roses, de graminées et de Cornus sanguinea. Un chêne écarlate trône sur ce tout nouvel espace.
Et enfin, autour de la fontaine, place du Marché, on a planté des roses, autre symbole de Saint-Hubert qui a compté un citoyen d’exception, le célèbre dessinateur des roses à la cour de France, Louis Redouté.
Notons que les eaux de pluie sont systématiquement dirigées vers les plantations comprenant des bacs sans bordures. De plus, pour favoriser l’infiltration des eaux de pluie, de nombreux joints entre les pavés sont ouverts. Une végétation indigène, de différentes tailles et types apporte de la biodiversité au site.
Les aménagements ont pour but de créer un espace inclusif offrant un cadre de vie agréable. Comment cela se traduit-il dans le choix des matériaux ?
Concernant les matériaux de voirie, on a opté pour une alternance entre le béton imprimé permettant une bonne résistance aux contraintes existantes (passage de bus et forte pente), les briques de terres cuites pour les trottoirs et les pavés de pierre naturelle au niveau des différentes places historiques. L’utilisation de la pierre bleue locale est également récurrente pour les terrasses et les petits ouvrages d’art (escalier, murets, plinthes...).
On a également relié le parvis de la Basilique à la Maison du Tourisme, par un revêtement continu. L’édifice sacré est mis en valeur par l’aménagement d’un plateau.
Et enfin, le mobilier urbain vient compléter le tout : abris vélos, chaises, transats, tables, pots… De plus, l’espace modulable laisse ouvertes plusieurs options de mobilité. L’espace public est ainsi reconquis en faveur de la promenade commerçante et touristique, de l’installation de terrasses et de la mise en valeur du patrimoine.
L’aménagement autour de la célèbre fontaine Louis Redouté, dessinateur des roses à la cour de France. © Suède36.
La place de l’abbaye a été rénovée en 2010, le bureau d’études a choisi un revêtement continu pour mettre en valeur la basilique. ©Suède36.
Christophe Mercier, architecte, bureau d’architecture et d’urbanisme Suède 36
Kim De rijck, Maison de l’Urbanité
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