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Stephan Vis

L’espace public, aussi pour s’y loger… autrement !

Stephan Vis, Habitat et Participation asbl

Les communes disposent parfois d’une « réserve foncière » pour le logement. Au lieu de la vendre au plus offrant ou de planifier un Xième lotissement, pourquoi ne pas penser à un projet participatif ?

 

Ce n’est un secret pour personne, le logement devient un enjeu central tant l’accès à celui-ci devient problématique. Le tableau de l’IWEPS ci-dessous résume bien l’enjeu : avec l’augmentation du nombre de ménages isolés et monoparentaux, il faudra plus de petits logements.


Ceux-ci devront être abordables et de qualité. Pour combiner ces trois aspects (plus compacts, abordables, de qualité), pourquoi ne pas penser « groupé » ?

 

Cela veut dire quoi habiter autrement ? C’est quoi l’habitat participatif ?

Pour reprendre une définition existante, « l’habitat participatif permet à des groupes de citoyens de concevoir, créer et gérer leur habitat collectivement, en combinant espaces privatifs et espaces communs pour mieux répondre à leurs besoins, en cohérence avec leurs moyens et leurs aspirations ».


Il existe autant de formes d’habitats participatifs que de lieux, projets communs et habitants qui les composent. On les appelle habitat groupé, habitat solidaire, éventuellement inclusif, voire kangourou. Il en existe des centaines, tant en Région wallonne, qu’en Flandres et à Bruxelles. Même la colocation, c’est encore un peu de l’habitat participatif…


©Habitat et Participation asbl

Le Petit Béguinage de Lauzelle – Louvain-la-Neuve 


Certains sont en totale « autopromotion » : des citoyens se rassemblent, acquièrent un lieu, le financent et créent ce qu’on appelle un habitat groupé. Ils ont chacun leur chez soi mais décident de mutualiser certains espaces : cour de ferme, salle, espace de coworking, buanderie, atelier, potager, poulailler... Et ce, à partir d’un terrain nu ou au contraire à partir d’une ferme, d’un immeuble à réaffecter.


D’autres projets peuvent être portés par un opérateur immobilier, tel une société de logement public, une agence immobilière sociale (AIS), une association de promotion du logement (APL en Wallonie) ou une association d’insertion par le logement (AIPL à Bruxelles). Et pourquoi pas une commune ou un CPAS ?


©Habitat et Participation asbl

Au Blanc Bwes – Un projet de type Abbeyfield à Perwez – Habitat pour séniors


On parle alors volontiers d’habitat solidaire. Parce que le public est souvent davantage « précarisé/vulnérable » : âgé, monoparental, avec un handicap (on parle alors d’habitat solidaire inclusif), ou simplement avec des revenus qui ne permettent plus d’avoir accès à un logement classique sans recours à un bailleur social, à tout le moins un soutien public.

Quelques exemples concrets ? A Assesse, l’asbl « 30 février » est en train de construire un habitat solidaire inclusif sur une partie d’une ZAC communale. La commune leur a octroyé un bail emphytéotique sur 90 ans, ce qui a rendu le projet possible. Aujourd’hui, les travaux commencent et 30 février cherche des personnes mais aussi des ménages pour acquérir des parcelles privées afin de rendre le projet encore plus abordable.


A Court-Saint-Etienne, des « personnes vieillissantes » comme elles s’appellent elles-mêmes, tentent de trouver une alternative aux solutions institutionnalisées actuelles, au travers d’un « vieillir ensemble, chacun chez soi » novateur, en réaffectant une ancienne villa patrimoniale. Mais les soutiens publics pour ces nouveaux modes d’habiter manquent et rendent ceux-ci souvent trop difficile à concrétiser.

 


©Habitat et Participation asbl

Maison communautaire de La Verte Voie à Thimister – Un projet qui a déjà fêté ses 50 ans


Quel intérêt sociétal ? Quel intérêt pour les communes ?

Socialement, un projet d’habitat participatif, qu’il soit groupé ou solidaire, tranche clairement avec l’individualisme exacerbé du « chacun chez soi ». Il crée du lien, là où le repli sur soi devient de plus en plus la norme, favorisant extrémismes et peurs de l’autre. De tels projets misent sur la solidarité et l’entraide tout en préservant l’intimité familiale. Avec comme corollaires, davantage de sécurité (proximité du voisin bienveillant), de convivialité (les espaces communs favorisent les rencontres informelles), de dynamique local (ce genre de projets collectifs n’aime en général pas « l’entre soi »). En incluant des publics variés (intergénérationnels, vulnérables et moins précaires, …), ces nouveaux modes de vivre ensemble favorisent l’intégration, l’inclusivité… C’est prouvé, ces facteurs qui rompent la solitude plaident pour une meilleure santé mentale et physique. N’est-ce pas un objectif sociétal majeur largement partagé ?

 

Par ailleurs, question aménagement du territoire, ces projets collectifs constituent souvent un juste milieu entre une densité maximale exigée par un promoteur et le tissu lâche et envahissant du quatre-façadisme. Les publics des habitats participatifs n’ont pas comme objectifs premiers ni la rentabilité d’investissement ni la spéculation.

La mutualisation de certains espaces rationnalise et permet des économies d’échelle qui réduisent l’artificialisation des sols. Enfin, elle permet souvent de valoriser des patrimoines devenus inappropriés à leur fonction initiale. Avec en ligne de mire, souvent une mixité des fonctions : habitat et salle ouverte sur le quartier, activités d’économie sociale ou professions libérales... Chaque habitat participatif est différent et spécifiquement adapté au lieu !

D’un point de vie énergétique, les économies se font à différents niveaux : compacité plus grande du fait de la mutualisation de certains espaces (pourquoi pas une chambre d’amis commune ?), chaufferie collective plus performante, préoccupation généralement plus grande de l’isolation de l’enveloppe, recours accru à la voiture partagée… Il n’y a pas photo, les projets collectifs limitent notre empreinte carbone.


« Réduire la surface de logement occupée par chaque habitant d’une région est un élément central d’une politique logement intégrée » - GIEC; 5° rapport d’évaluation ; Groupe de travail III; Chapitre 9.4.1

De quelques freins

Mais les freins sont nombreux, à commencer par notre culture de « brique dans le ventre ». Trop de législations ont été pensées ou construites dans une logique individuelle, comme en témoignent la prolifération des lotissements. S’ajoute à cela une série de contraintes liées aux normes de qualité et de salubrité, et surtout incendie. Les services incendies imposent une série d’aménagements spécifiques aux bâtiments collectifs qui engendrent parfois des surcoûts rédhibitoires alors même que les bâtiments « groupés » ne doivent pas nécessairement être considérés comme « collectifs ».


Au-delà, c’est parfois l’imaginaire de « secte » qui est encore associée à ce genre de projets, alors même qu’ils exigent au contraire une participation active, structurée et « tout sauf légère » de chacun. Car il est clair, comme le dit l’adage, que « seul on va plus vite, ensemble on va plus loin ». Sans persévérance et de goût commun pour une gouvernance partagée, beaucoup de projets avortent.


©Habitat et Participation

Habitat groupé Saint Servais à Namur – Abrite notamment une antenne ONE


Enfin, la difficulté d’avoir accès à des terrains ou bâtiments due à la concurrence avec la promotion immobilière classique, l’absence de structure juridique adaptée, la difficulté d’obtenir un crédit hypothécaire collectif (en particulier pour les espaces partagés) -surtout pour les personnes âgées, constituent autant d’obstacles souvent insurmontables pour ces projets porteurs de sens.

 

Comment favoriser l’habiter autrement dans l’espace public ? De quelques pistes…

Pourquoi ne pas dédier une partie des espaces publics (terrains, bâtiments mal affectés) à ces autres modes d’habiter, habitats solidaires en tête ? Plutôt que de confier bâtiments ou terrains publics à des projets immobiliers sans doute plus rentables mais peu porteurs de valeurs, voici quelques pistes pour favoriser ce type de projets :

·      Répertorier les terrains et bâtiments publics pour éventuellement y installer un projet participatif (de l’habitat groupé au hameau léger en passant par l’habitat solidaire) et diffuser un appel à projet (via H&P ?)

·      Octroyer un bail emphytéotique, un droit de superficie ou un loyer modéré à une association porteuse du projet. Les modèles de coopératives et de CLT (community land trust) constituent souvent de beaux instruments de maîtrise du foncier.

·      Inviter les promoteurs à laisser une certaine partie du terrain aux projets collectifs (associatifs et/ou publics) au travers de charges d’urbanisme ambitieux

·      Contacter l’asbl Habitat et Participation pour monter un projet public-associatif de logement solidaire participatif comme le font de plus en plus les organismes HLM (habitat à loyer modéré) français ?

 

Plus largement, une reconnaissance plus officielle de certains types d’habitats participatifs par les pouvoirs publics pourrait rassurer les organismes de financement, faciliter l’obtention des autorisations nécessaires et sortir de la marginalité les types alternatifs d’habiter.

En route pour une politique de logement plus… participative ?

 

Plus d’infos :

Les sites habitat-participation.be et habitat-groupe.be détaillent les actions de l’asbl Habitat et Participation.

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