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L’internet des Arbres : une gestion intelligente des arbres urbains

Bregt Roobroeck, Urban Forestry Lab (Haute école VIVES)

Les arbres urbains sont essentiels à un cadre de vie sain, mais des sites de croissance inappropriés et une mauvaise gestion les empêchent souvent d'atteindre leur plein potentiel. En conséquence, ces arbres ne vieillissent pas, alors que c'est précisément l’objectif. Une gestion des arbres dans les villes et les communes basée sur des données factuelles et intelligente s’impose donc. Ce processus nécessite toutefois l’obtention de données. Au travers de deux cas pratiques, nous montrerons en quoi cela consiste.

 


©Kaat Vanhegen - Une des visualisations de la plateforme IoTrees

Arbres urbains : quel est le problème ?

En ville, les arbres sont l’épine dorsale de la structure verte. Le réseau d'arbres constitue la forêt urbaine et agit comme un écosystème qui fournit des services tels que le rafraîchissement, le tamponnement de l'eau ou l'amélioration de la cohésion sociale. Ce sont principalement les couronnes des arbres qui fournissent la plupart de ces services. Plus l'arbre est grand, plus le rafraîchissement et l'effet d'éponge sont importants. Or les arbres urbains ne vieillissent pas suffisamment parce que la dynamique urbaine de construction, de rénovation, d'expansion de l'occupation des sols est en contradiction avec ce dont un arbre urbain a besoin, à savoir un lieu de croissance qui reste inchangé. Par conséquent, les arbres ne vieillissent pas assez et leur fonctionnement n’est pas optimal puisqu'ils sont soumis à un stress, principalement dû à des sites de croissance trop restreints et à une protection insuffisante. Il s'agit là d’erreurs de conception et de politique. Il arrive également que la société ne perçoive pas l'utilité d’une forêt urbaine. Une analyse sur 15 ans dans le centre-ville de Roulers illustre bien la situation (https://arcg.is/1XvDLj3).

 

©Breg Roobbroeck - De nombreuses plantations, comme celle de ce Ginkgo biloba dans une rue commerçante, se situent dans des espaces trop restreints. Soit l'arbre dépérit, soit ses racines sortent du pavage et provoquent des dégâts.

Quels sont les objectifs de l’Europe et du gouvernement flamand ?

En 2020, l'Europe a lancé le Pacte vert, un plan ambitieux visant à atteindre la neutralité climatique d'ici 2050. Il s'agit d'un ensemble de stratégies politiques telles que la stratégie pour la biodiversité à l'horizon 2030, qui vise à restaurer et à protéger la nature en Europe. Elle a été suivie cette année par la loi sur la restauration de la nature qui exige notamment que d'ici 2030, la surface réservée à la nature dans les villes cesse de décliner pour augmente par la suite. Par exemple, d'ici 2050, 10 % de la surface totale des villes doit être couverte d'arbres. Le professeur Cecil Konijnendijk, qui a également lancé la règle des 3-30-300 en 2020, parle quant à lui d'une couverture de 30 %, soit trois fois plus. Grâce au Plan d'adaptation climatique 2030, le gouvernement flamand souhaite accompagner les villes et les communes améliorer leur résilience au changement climatique. Cela passe par le concept de villes vertes et bleues, où la nature et l'eau nous aident à prendre des mesures contre les précipitations extrêmes, la sécheresse et la chaleur. Le portail climatique de la Vlaamse Milieumaatschappij (Société flamande de l’environnement) compte parmi les outils concrets de cette stratégie.

 "Notre méthodologie aide la ville à se préparer au changement climatique et à mettre en oeuvre la loi sur la restauration de la nature."

Une politique de l’arbre étayée : la règle des 3-30-300 à Courtrai

Tout cela est très positif, mais la résilience climatique des communes et des villes doit reposer sur une politique locale factuelle et viable. Par exemple, la mise en œuvre de la règle des 3-30-300 a un fondement scientifique (voir www.330300rule.com pour plus d’explications). Le plan directeur pour les arbres, conçu pour la ville de Courtrai par l'Urban Forestry Lab (UFL) de la Haute école VIVES, traduit cette règle en une politique et une gestion concrètes pour trois législatures. L’idée centrale de ce plan est de ne plus considérer les arbres comme des points pour la gestion des actifs, mais comme des superficies, qui correspondent à la taille réelle des couronnes des arbres. En numérisant ces couronnes dans un système d'information géographique (SIG), il est possible de commencer à calculer et à analyser la situation tout en tenant compte de la taille de ces couronnes. Cela a ainsi permis à l'UFL d’appliquer la règle des 3-30-300 pour chaque maison et chaque quartier de Courtrai et d’identifier clairement quelles zones étaient pauvres en arbres et quels arbres avaient le plus grand impact. Cela semble logique, mais l’affichage de ces informations sur une carte est une innovation. En exécutant différents scénarios, comme des actions de reboisement, la ville peut voir l’effet de ces actions et sait dès lors où les mettre en œuvre en priorité. Cette méthodologie aide la ville à se préparer au changement climatique, d'une part, mais aussi à intégrer la loi sur la restauration de la nature dans sa gestion courante, d'autre part. En d'autres termes, sa politique devient ainsi factuelle et viable. Pour plus d’explications sur le plan directeur de Courtrai, veuillez cliquer sur le lien suivant : https://arcg.is/1zyfj90.

 


©Kaat Vanhegen en Cobra Groeninzicht - Exemple d'application de la règle des 3-30-300 dans un quartier de Courtrai

Une gestion étayée des arbres: l’Internet des arbres

L'assèchement du paysage flamand dû au drainage, à l’imperméabilisation des sols et à l'urbanisation, combiné au changement climatique, rend la Flandre très vulnérable au stress hydrique. Une bonne gestion de l'eau devrait être la norme. Le cadre d’évaluation pour l'utilisation prioritaire de l'eau et le nouveau décret sur l'eau de pluie (Blue Deal) illustrent l’engagement du gouvernement flamand à réduire cette vulnérabilité. Cependant, les spécialistes des arbres constatent qu'il reste encore beaucoup à faire en ce qui concerne les arbres et l'eau. Par exemple, lors du rabattement d'une zone de construction, les arbres voisins ne sont pas toujours protégés puisque leur zone de croissance n’est pas surveillée à l'aide de capteurs d'humidité du sol. Or le rabattement fait baisser le niveau de la nappe phréatique, ce qui provoque un stress de sécheresse pour l'arbre. La surveillance du taux d’humidité du sol permet de prévoir l'arrosage adéquat, automatiquement ou par le biais d'une réalimentation. Pour savoir comment agir, il faut récolter des données . De nombreux arbres nouvellement plantés meurent également par manque d'eau. L'arrosage est complexe dans les villes car de nombreux acteurs sont impliqués dans ce processus. Un exemple observé à Bruges l'illustre bien. Chaque année, les responsables des arbres de la ville font planter 2400 arbres. Pour ce faire, l'emplacement et la date de la plantation doivent être enregistrés dans un logiciel de gestion. Ce système doit à son tour communiquer avec le système d'une entreprise externe chargée de l'arrosage, ce qui est fait manuellement. Étant donné que les conditions météorologiques peuvent également perturber la planification, vous pouvez imaginer à quel point l'arrosage à grande échelle est compliqué. Beaucoup de temps et d'eau sont ainsi perdus. L'optimisation par la surveillance des arbres à grande échelle est donc conseillée. Des villes comme La Haye et Barcelone arrosent déjà à grande échelle sur la base d'un tableau de bord où elles peuvent visualiser leurs centaines de capteurs d'humidité du sol. 

 

Un tableau de bord IoTrees et une plateforme multicapteurs

A partir des problématiques liées au rabattement à proximité des arbres et à l’arrosage à grande échelle, l'UFL met actuellement au point une plateforme, l’Internet des arbres (IoTrees). Cette plateforme IoTrees est un outil modulaire destiné à rendre la forêt urbaine intelligente. Il s'agit d'un système IoT typique, associé à des capteurs et à des tableaux de bord. Il est modulaire puisqu'il peut être appliquée à différentes échelles, d'un petit site de projet à une ville entière. Cette plateforme est également unique puisqu’elle est générique, c'est-à-dire que nous pouvons utiliser plusieurs capteurs issus d'autres entreprises sur notre système. Par exemple, pour notre « proof of concept » de rabattement, nous avons installé un capteur de débit de sève et deux capteurs d'humidité du sol différents en plus de nos propres capteurs d'humidité du sol. Nous avons rassemblé tous ces capteurs dans un seul tableau de bord, ce qui signifie que l'utilisateur n'est pas lié à une seule entreprise avec des coûts d'abonnement (élevés). Le tableau de bord est également configuré dans l'environnement Microsoft (PowerBi), car chaque pratiquement organisation dispose d'un compte Microsoft.


©Sille Vanlandschoot - La combinaison de capteurs d'humidité du sol et de capteurs de flux de sève permet de démarrer l'irrigation, respectivement en grandes et en petites quantités.

Plus d'infos :

 

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La numérisation (mise en œuvre SIG), une technologie moins coûteuse (systèmes IoT) et l'élaboration de politiques (loi sur la restauration de la nature) sont autant d’éléments qui permettent d’axer la gestion des arbres ainsi que les politiques en la matière sur les données et de mieux étayer les décisions prises, au profit de citoyens de plus en plus autonomes. Bien entendu, cette numérisation doit apporter une plus-value et s’intégrer dans les flux de travail des gouvernements et des entreprises. Le cas de la règle des 3-30-300 et de la plateforme IoTrees sont deux exemples illustrant l’adoption de la numérisation par les villes et les communes.

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